Feuillet n° 9 : Vous pouvez
continuer à allaiter
Au fil du temps, des dizaines et des dizaines de femmes se sont entendu dire - à tort - qu'elles devaient interrompre leur allaitement. La décision de poursuivre ou non l'allaitement quand la mère doit par exemple prendre un médicament, ne dépend pas uniquement du fait de savoir si ce médicament passe ou non dans le lait de la mère.
Une telle décision impose aussi de prendre en considération les risques liés au lait artificiel pour le bébé - risques qui sont considérables -, de prendre aussi en compte les risques que comporte pour la mère l'interruption de l'allaitement et qui sont également considérables, et bien d'autres problèmes encore.
Par exemple, nourrir un bébé allaité à l'aide d'un biberon pendant la période où sa mère est en traitement (rarement moins de cinq jours) débouchera très souvent sur le refus définitif du sein chez ce bébé ou au moins sur des difficultés importantes avec ce bébé lorsqu'il est au sein.
D'un autre côté, il ne faut pas oublier que certains bébés refusent de prendre le biberon, si bien que le conseil donné d'abandonner l'allaitement est non seulement le plus souvent mauvais, mais en plus impossible à mettre en pratique.
Pourtant,
il est facile de conseiller à une mère de tirer son lait lorsqu'elle ne nourrit
pas directement son enfant; mais tirer efficacement son lait est souvent très
difficile pour certaines mères et provoque chez celles-ci des engorgements très
douloureux, ce qui peut conduire à de sérieuses complications.
Allaitement
et prise de médicaments par la mère
La
plupart des médicaments passent dans le lait, mais seulement en très faibles
quantités. Bien qu'un très petit nombre de médicaments puisse vraiment causer
des problèmes aux bébés, mêmes présents dans le lait à très faibles doses, ceci
n'est pas vrai pour l'écrasante majorité des médicaments. Les mères à qui on
dit d'interrompre l'allaitement à cause d'un médicament précis, devraient
demander à ce qu'on leur en prescrive un autre similaire qui soit compatible
avec l'allaitement. De nos jours, il est rarement problématique de pouvoir
offrir une telle alternative. Si le médecin prescripteur ne sait comment
procéder, il devrait pouvoir s'informer. S'il ne se prête pas à la discussion,
la mère devrait chercher un autre avis.
La
plupart des médicaments peuvent être considérés comme étant sans danger pour la
mère qui poursuit l'allaitement si les conditions suivantes sont remplies :
1.
ces médicaments sont communément prescrits aux enfants. Exemples :
l'amoxycilline, la cloxacilline, la plupart des antibiotiques.
2.
ces médicaments sont considérés comme sans danger pendant la grossesse. Les
médicaments entrent en effet directement dans le système sanguin du bébé
lorsqu'ils sont pris pendant la grossesse. Le bébé absorbe généralement des
doses beaucoup plus élevées à une période beaucoup plus critique de son
développement lorsque ces médicaments sont pris pendant la grossesse plutôt que
pendant l'allaitement. Cependant, ce n'est pas une règle absolue, puisque
durant la grossesse, le foie et les reins de la mère peuvent éliminer le
médicament pour le bébé.
3.
ces médicaments ne sont pas absorbés par l'estomac ou les intestins. Ceci vaut
pour beaucoup de médicaments administrés par injection. Exemples : la
gentamicine, l'héparine, la lidocaïne ou autres anesthésiques locaux utilisés
par les dentistes.
Les médicaments suivants, fréquemment utilisés, sont eux aussi généralement sans danger pendant l'allaitement :
l'acétaminophène
(Tylenol®, Tempra®), l'alcool (à doses raisonnables), l'aspirine (dans les
limites habituelles de la posologie et pendant de brèves périodes), la plupart
des anti-épileptiques, la plupart des anti-hypertenseurs, la tétracycline, la
codéine, la plupart des anti-inflammatoires non-stéroïdiens, la prednisone, la
thyroxine, le propylthiouracile (PTU), la warfarine, les anti-dépresseurs
tricycliques, la sertraline (Zoloft®), la paroxétine (Paxil®), d'autres
anti-dépresseurs, le métronidazole (Flagyl®), Nix, Kwellada.
Les médicaments appliqués sur la peau, instillés ou appliqués sur les yeux ou le nez, sont presque toujours inoffensifs en cas d'allaitement.
Vous pouvez continuer à allaiter après une anesthésie générale, régionale ou locale, dès que vous êtes en mesure de le faire. Les médicaments que vous pouvez ensuite être amenée à prendre contre la douleur sont presque toujours autorisés. Les vaccins inoculés à la mère n'imposent pas qu'elle arrête l'allaitement (même lorsqu'il s'agit de virus vivants comme dans le cas de la rubéole, de l'hépatite A et de l'hépatite B).
Informez-vous
de manière fiable avant d'arrêter l'allaitement ! Une fois que vous l'avez
interrompu, il peut être très difficile à relancer, spécialement si le bébé est
très jeune.
Allaitement
et maladie de la mère
Très peu de maladies de la mère imposent à celle-ci d'arrêter l'allaitement. C'est particulièrement vrai des infections. La plupart des infections sont causées par des virus. La plupart des infections causées par des virus sont très contagieuses avant que la mère réalise qu'elle est malade. Au moment où la mère a de la fièvre (ou est enrhumée, a le nez qui coule, la diarrhée, des vomissements, une éruption, etc…), elle a déjà contaminé son bébé. Cependant, l'allaitement protège le bébé contre l'infection, et la mère devrait donc poursuivre l'allaitement dans le but de protéger son bébé. Si le bébé tombe malade, il est généralement moins malade que si l'allaitement a été interrompu. Mais souvent, les mères sont agréablement surprises de voir que leurs bébés ne tombent pas malades du tout. Le bébé a été protégé par le fait que sa mère a continué à l'allaiter.
La seule exception à ce qui vient d'être dit, c'est le cas de l'infection de la mère par le virus du sida. Jusqu'à plus ample informé, on considère qu'il est moins dangereux pour le bébé d'une mère séropositive de n'être pas allaité, du moins là où les risques liés à l'alimentation au biberon sont relativement peu élevés. Toutefois, il y a des situations, même au Canada, où le risque lié au non-allaitement est suffisamment élevé pour qu'une mère séropositive soit tout de même amenée à allaiter son bébé. Quoi qu'il en soit, on n'a pas encore de solution définitive à ce problème.
La plupart des autres maladies de la mère soulèvent des questions à cause des médicaments que la mère peut être amenée à prendre. Ceux-ci ne devraient que rarement poser un problème (voir plus haut).
Rayons
X et scanners : les radios simples ne demandent pas que la mère arrête
l'allaitement, même si un produit de contraste est utilisé (par exemple en cas
de PVI). De même pour une radio TC, une IRM, même avec produit de contraste, et
pour un examen radioactif (par exemple radio du poumon, radio des os). La seule
exception est la radio de la thyroïde. Quoi qu'il en soit, dans ce cas, il
n'est le plus souvent pas absolument nécessaire de pratiquer l'examen (voir
plus bas).
Un
problème assez fréquent dans les premiers mois après l'accouchement est un
phénomène appelé thyroïdite du post-partum, une perturbation temporaire dans le
fonctionnement de la glande thyroïdienne. Un examen très utile pour aider à
comprendre ce phénomène est la radio de la thyroïde. Il implique toutefois que
de l'iode radioactif soit administré à la mère, et on ne peut donner cette
substance à des mères qui allaitent. L'iode radioactif se retrouve dans le lait
pendant des semaines et est concentré dans la thyroïde du bébé. Il y a
toutefois des moyens de prendre en charge ces thyroïdites du post-partum sans
pratiquer cet examen. Les médicaments qu'une mère peut être amenée à prendre
pour traiter la thyroïdite du post-partum sont compatibles avec la poursuite de
l'allaitement (par exemple propanolole, propylthiouracile).
Les
problèmes liés au sein
Les
lymphangites (infections du sein) et abcès du sein ne sont pas des raisons
suffisantes pour arrêter un allaitement. Bien qu'il soit plus difficile
d'intervenir chirurgicalement sur un sein en cours d'allaitement, le geste
chirurgical n'est pas nécessairement facilité par le fait que la mère arrête
d'allaiter son enfant, puisque le lait continue à se former pendant des
semaines après l'arrêt de l'allaitement.
Les
mammographies sont plus difficiles à lire si la mère allaite, mais elles
peuvent tout de même être utiles. Et une fois encore, combien de temps une mère
doit-elle attendre avant que l'on considère que ses seins ne sont plus en
période de lactation ? Il existe d'autres moyens d'examiner une grosseur dans
un sein que la mammographie. Discutez des possibilités avec votre médecin !
Faites-lui savoir qu'il est important pour vous d'allaiter. Une biopsie du
sein, par exemple, peut être pratiquée sur une grosseur qui inquiète.
Nouvelle
grossesse
Il
n'y a pas de raison pour que vous ne puissiez pas continuer à allaiter si vous
êtes enceinte. Rien ne prouve qu'en continuant à allaiter, vous vous faites
tort à vous-même, au bébé dans votre utérus ou à celui que vous allaitez. Si
vous souhaitez arrêter l'allaitement, prenez votre temps et sevrez en douceur.
Les
problèmes liés à l'allaitement
Il est rarement nécessaire d'interrompre l'allaitement en raison d'une maladie de l'enfant. En allaitant son enfant, la mère peut réconforter le petit malade et en même temps, l'enfant peut réconforter sa mère.
1.
Diarrhée et vomissements. Les infections intestinales sont rares chez les bébés
exclusivement nourris au sein (bien que les selles soient très fréquentes chez
les bébés exclusivement nourris au sein). Dans ces conditions, le meilleur
traitement dans le cas où le bébé est atteint de diarrhée, c'est de continuer à
l'allaiter. Le bébé se rétablira bien plus vite s'il est nourri au lait
maternel. Le bébé s'en sortira très bien uniquement avec du lait maternel dans
la grande majorité des cas, et il ne faudra lui administrer des liquides
supplémentaires que dans des cas exceptionnels.
2.
Maladies respiratoires. Il existe un mythe médical selon lequel il ne faudrait
pas donner de lait à des enfants ayant contracté des infections respiratoires.
Que ce soit vrai ou non pour le lait, il est absolument certain que c'est faux
dans le cas du lait maternel (et de l'allaitement).
3. Jaunisse. Les bébés exclusivement nourris au sein contractent souvent une jaunisse, même jusque dans le troisième mois, bien que généralement, il soit difficile de distinguer la couleur jaune de la peau. Loin de constituer un problème, ceci est un phénomène normal. (Il y a des causes de jaunisse qui ne sont pas normales, mais elles n'imposent pas d'arrêter l'allaitement). Si l'allaitement se passe bien, la jaunisse n'impose pas que le bébé arrête de téter. Si l'allaitement se passe mal, le poursuivre coûte que coûte améliorera la jaunisse, tandis qu'arrêter l'allaitement, même pour très peu de temps, le détruira complètement. Arrêter l'allaitement ne constitue pas une réponse adaptée (voir le dossier n° 7 : Allaitement et jaunisse).
Si
la question que vous désirez poser n'est pas traitée ci-dessus, n'en concluez
pas que vous devez interrompre votre allaitement. N'arrêtez pas d'allaiter et
renseignez-vous. On a dit à des mères d'arrêter l'allaitement pour des raisons
trop ineptes pour être discutées !
Dossier n° 9. Vous pouvez continuer à allaiter. Révisé
en janvier 1998.
Ecrit par Jack Newman, MD, FRCPC
Peut être copié et diffusé sans autre permission.