Feuillet n° 7 Allaitement et jaunisse
(ictère)
L'ictère
est causé par l'accumulation dans le sang de la bilirubine, un pigment jaune
provenant de la destruction des globules rouges. La destruction des globules
rouges est un processus normal, et la bilirubine libérée ne cause
habituellement pas d'ictère car le foie la métabolise, et elle est ensuite
éliminée dans les selles. L'ictère est toutefois fréquent chez le nouveau-né
car le foie, qui fabrique les enzymes métabolisant la bilirubine, est
relativement immature. De plus, les globules rouges sont plus nombreux chez les
nouveau-nés que chez les adultes ; à la naissance, ils seront détruits en
quantité importante. Si le bébé est prématuré, affaibli par une naissance
difficile, s'il y a destruction d'un nombre de globules rouges supérieur à la
normale (comme cela se produit en cas d'incompatibilité sanguine), ou si sa
mère est diabétique, le taux de bilirubine dans le sang sera plus élevé que ce
qui est habituellement constaté.
Deux
types d'ictère
Le
foie métabolise la bilirubine pour qu'elle puisse être éliminée. Si le foie
fonctionne mal, à cause notamment de certaines infections, ou en cas
d'obstruction des canaux biliaires, la bilirubine modifiée (appelée bilirubine
directe ou conjuguée) peut s'accumuler dans le sang et provoquer un ictère.
Lorsque cela se produit, la bilirubine conjuguée est éliminée dans les urines
qui deviennent foncées. Ces urines brunes sont le signe patent d'un ictère qui
n'est pas "ordinaire". L'ictère dû à la bilirubine conjuguée est
toujours anormal, fréquemment grave, et il doit faire l'objet d'un examen
immédiat et approfondi. Sauf pour de rarissimes cas de maladies métaboliques,
l'allaitement peut et doit continuer.
L'accumulation
de bilirubine avant sa métabolisation hépatique peut être normale ; c'est
l'ictère physiologique. Il commence au 2ème ou 3ème jour, culmine au 3ème ou
4ème jour puis décline et disparaît. Certaines situations, comme une
destruction plus rapide que la normale des globules rouges, peuvent toutefois aggraver
cet ictère. Comme l'allaitement n'est nullement en cause dans ces situations,
il faut le poursuivre. Si, par exemple, le bébé a un ictère grave causée par
une destruction trop rapide des globules rouges, ce n'est pas une raison pour
interrompre l'allaitement. Il faut le continuer.
L'ictère
lié à l'allaitement
Il existe un type d'ictère appelé "ictère lié à l'allaitement". Personne n'en connaît la cause. Pour poser ce diagnostic, il faut que le bébé soit âgé d'au moins une semaine. Il est intéressant de mentionner que nombre de bébés ayant ce type d'ictère ont aussi eu un ictère physiologique, parfois plus important que la normale. Le bébé exclusivement allaité devrait avoir une prise de poids satisfaisante, plusieurs selles quotidiennes, des urines claires et abondantes, et être dans l'ensemble en bonne santé (voir feuillet n° 4, Mon bébé prend-il assez de lait?). Dans un tel cas, le bébé peut avoir un ictère liée à l'allaitement ; des infections urinaires, un dysfonctionnement thyroïdien, ou quelques maladies rares peuvent aussi induire un tableau clinique similaire. L'ictère lié à l'allaitement atteint son apogée entre le 10ème et le 21ème jour, et peut durer deux à trois mois. Ce n'est pas anormal. Il est rarement nécessaire d'arrêter l'allaitement, même temporairement. Rien ne prouve que ce type d'ictère puisse causer un quelconque problème au bébé. Il ne faut pas interrompre l'allaitement sous prétexte "d'établir un diagnostic". Si le bébé exclusivement allaité se porte bien, rien ne justifie la suspension de l'allaitement ou la supplémentation avec un dispositif d'aide à l'allaitement. L'idée que quelque chose ne va pas chez les bébés souffrant d'ictère provient du fait que l'on compare les bébés allaités aux bébés nourris au lait industriel, et que ce qui est constaté chez ces derniers est considéré comme la norme à laquelle les bébés allaités doivent se conformer. Cette manière de penser, presque universellement répandue parmi les professionnels de la santé, va à l'encontre de la logique même. Il est vrai que les bébés nourris au lait industriel présentent rarement un ictère après J7 ; lorsque c'est le cas, il y a généralement un problème médical. On s'inquiète donc pour les bébés ayant un ictère lié à l'allaitement, et on tient à "faire quelque chose". Pourtant, selon notre expérience, la plupart des bébés exclusivement allaités qui sont en parfaite santé et dont la prise de poids est bonne présentent encore des signes d'ictère à cinq ou six semaines post-partum, voire même plus tard. En fait, la question devrait être : "Est-il normal de ne pas constater d'ictère, et devrait-on s'en inquiéter?" Il ne faut pas interrompre l'allaitement à cause d'un ictère.
L'ictère
du bébé qui ne reçoit pas assez de lait
Des
taux de bilirubine supérieurs à la normale ou un ictère prolongé peuvent
survenir si le bébé ne reçoit pas suffisamment de lait. Une montée de lait
tardive, des routines hospitalières qui limitent l'allaitement, ou, plus
souvent encore, une mauvaise prise du sein par l'enfant, peuvent avoir pour
conséquence une absorption insuffisante de lait par le bébé (voir le feuillet
n° 4, Le bébé prend-il assez de lait?). Lorsque le bébé reçoit trop peu de
lait, ses selles deviennent rares et peu abondantes. Ceci provoque la
réabsorption dans le sang de la bilirubine présente dans le tube digestif du
bébé, ce qui limite son élimination dans les selles. Évidemment, la meilleure
façon d'éviter l'ictère causé par une absorption insuffisante de lait est un
bon démarrage de l'allaitement (voir feuillet n° 1, Bien commencer
l'allaitement). La solution pour ce type d'ictère n'est certainement pas de
cesser l'allaitement pour donner des biberons. Si le bébé tète correctement,
des tétées plus fréquentes peuvent suffire à résoudre le problème sans qu'il
soit nécessaire de faire quoi que ce soit d'autre. Par contre, si le bébé tète
mal, une correction de la mise au sein lui permettra de téter plus efficacement
et de recevoir davantage de lait. La compression du sein peut aussi être utile
pour aider le bébé à obtenir plus de lait (voir le feuillet n° 15, La
compression du sein). Si l'amélioration de la mise au sein et la compression du
sein ne règlent pas le problème, on peut utiliser un dispositif d'aide à
l'allaitement pour la supplémentation (voir le feuillet n° 5, Utilisation d'un
DAL).
La
photothérapie
La
photothérapie augmente les besoins hydriques du bébé. Si le bébé tète bien, des
tétées plus fréquentes suffiront à satisfaire ces besoins accrus. Cependant,
s'il semble nécessaire de donner au bébé des liquides supplémentaires, il est
préférable d'utiliser un dispositif d'aide à l'allaitement contenant du lait
maternel exprimé, de l'eau sucrée ou un mélange des deux, plutôt que de donner
des compléments de lait industriel.
Traduction du feuillet n°7 - Breastfeeding and
jaundice –
Révisé en janvier 1998, octobre 2000 pour la version
française
Dr Jack Newman, MD, FRCPC - Pédiatre - Responsable
d'une consultation de lactation - Toronto - Canada
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