Feuillet n° 14   Toujours des mythes sur l'allaitement

 

 

1. Une mère allaitante ne doit pas nourrir son bébé après avoir passé des examens radiographiques (rayons X).

 

Faux !

Les radiographies courantes, celles qui sont les plus souvent pratiquées, par exemple une radiographie des poumons, ou des dents, ne posent absolument aucun problème, et la mère peut allaiter son bébé comme d'habitude. Les mammographies sont plus difficiles à interpréter chez une mère qui allaite, mais cet examen est possible et la mère de doit pas cesser d'allaiter. L'évaluation d'une masse peut aussi se faire autrement. Les nouvelles méthodes d'imagerie comme les tomodensitogrammes et les IRM sont sans danger, même si des substances de contraste sont employées.

Et les examens utilisant une substance radioactive ? Tout examen radiographique qui n'utilise pas de substances radioactives peut être subi par la mère sans qu'elle soit obligée d'arrêter l'allaitement, même pour une seule tétée. Donc une pyélographie intraveineuse, une lymphangiographie, une phlébographie, une artériographie, une myélographie… ne nécessitent aucune précaution.

Mais qu'en est-il des examens employant à des nucléotides (scintigraphie osseuse ou pulmonaire) ? Il est vrai que le bébé recevra une toute petite quantité de nucléotides. Mais il faut se souvenir que ces mêmes examens sont souvent pratiqués chez l'enfant, même tout petit. Compte tenu des risques de l'alimentation au lait industriel, il est préférable que la mère continue à allaiter sans interruption.

Si vous avez l'impression de devoir arrêter pendant une certaine période, tirez du lait à l'avance, pour que votre bébé boive votre lait et non du lait artificiel. Après deux demi-vies, 75 % de la substance sera éliminée de votre organisme. C'est sûrement une attente suffisante (la demi-vie du technétium, utilisé dans la plupart des radiographies, n'est que de six heures. Après 12 heures, 75 % du produit est donc éliminé).

L'exception à cette règle est une scintigraphie de la thyroïde. Cet examen doit être évité autant que possible chez la mère allaitante, car elle ne pourra pas continuer l'allaitement après l'avoir subie. Il y a beaucoup de façons d'évaluer la fonction de la thyroïde, et ce type de scintigraphie thyroïdienne n'est que rarement nécessaire. Avant de subir cet examen à l'iode radioactif, vérifiez. Dans bien des cas où l'examen est nécessaire, on peut le retarder de plusieurs mois (voir le feuillet n° 9a, Vous pouvez continuer à allaiter).

 

2. Le lait peut se tarir " juste comme ça ".

 

Faux !

Si c'est possible, ce doit être très rare. En dehors de légères variations en fonction du moment de la journée, le volume de la sécrétion lactée ne change pas subitement. Certaines situations peuvent donner à penser à la mère que sa sécrétion lactée a brusquement baissé :

- Le bébé réclame plus souvent ; c'est ce qu'on appelle " une poussée ou un pic de croissance ". S'il semble ne pas avoir assez de lait, quelques jours de tétées plus fréquentes ramèneront les choses à la normale. Essayer la compression du sein pendant que le bébé tète (voir feuillet n°15)

- Le comportement du bébé est différent. Vers 5 à 6 semaines environ, certains bébés qui s'endormaient au sein lorsque le flot de lait diminuait commencent plutôt à s'agiter et à pleurer. Le lait n'a pas disparu, c'est le bébé qui a changé. Essayer de comprimer le sein pour permettre au bébé d'obtenir plus de lait

- Les seins de la mère sont plus souples et semblent moins " pleins ". C'est une évolution normale après quelques semaines d'allaitement ; la mère n'a plus les seins engorgés, ni même pleins. Tant que le bébé avale du lait pendant la tétée, il est inutile de se faire du souci (voir feuillet n° 4, Mon bébé prend-il assez de lait ?).

- Le bébé tète moins bien. Cela est souvent dû au fait qu'il a reçu des biberons, ou qu'on lui donne une sucette ; il a appris un mode de succion inadéquat au sein.

 

La prise d'une pilule anticonceptionnelle peut abaisser la sécrétion lactée. En pareil cas, arrêter la pilule, ou essayer une pilule contenant uniquement un progestatif. Ou changer de méthode contraceptive.

 

Si le bébé ne reçoit réellement pas assez de lait, la mère devra demander de l'aide, et non introduire des biberons de complément qui ne feront qu'empirer les choses. Si des compléments sont indispensables, le bébé peut les recevoir à l'aide d'un DAL pendant la tétée ; cela n'interfère pas avec l'allaitement. On peut faire beaucoup avant de songer à donner des compléments de lait. Essayer de comprimer le sein pendant la tétée (voir feuillet n° 15, Compression du sein).

 

3. Les médecins s'y connaissent en matière d'allaitement.

 

Faux !

Bien sûr, il y a des exceptions. Toutefois, dans les pays occidentaux, très peu de médecins ont appris quoi que ce soit sur l'allaitement pendant leurs études. Encore moins ont appris ensuite comment aider pratiquement une mère à bien démarrer son allaitement, puis à le poursuivre dans des conditions optimales. L'essentiel de l'information qu'obtiennent les médecins en exercice en matière d'alimentation infantile provient des fabricants de lait industriel (représentants de commerce et publicités).

 

4. Les pédiatres, au moins, s'y connaissent en matière d'allaitement.

 

Faux !

Bien sûr, il y a des exceptions. Toutefois, pendant leurs études, ils ont reçu le même enseignement sur l'allaitement que les omnipraticiens (à savoir généralement aucun), et pendant leur spécialisation la plupart n'ont rien appris sur l'allaitement ; le peu qu'ils auront éventuellement entendu ici et là sera généralement faux. Pour de nombreux pédiatres, l'allaitement est souvent " un obstacle à des soins de bonne qualité " lorsqu'un nourrisson est hospitalisé.

 

5. La littérature et les échantillons de lait distribués par les fabricants de lait industriel n'ont aucun impact sur la durée de l'allaitement.

 

Ah bon ?

Alors pourquoi les fabricants de lait industriel se donnent-ils autant de mal pour distribuer aux mères leurs feuillets d'information et leurs échantillons ? Est-ce vraiment pour les encourager à allaiter ? Investissent-ils de l'argent dans ces feuillets et ces échantillons pour les inciter à allaiter plus longtemps ? Les fabricants donnent pour argument que, si la mère veut donner un lait industriel, ils veulent que ce soit un lait de leur marque. En fait, en se faisant de la concurrence, les fabricants de lait industriel font aussi de la concurrence à l'allaitement. Croiriez-vous ces arguments s'ils vous étaient donnés par un fabricant de cigarettes?

 

6. Si la mère donne un lait industriel en même temps que son lait, cela induira des problèmes chez le bébé.

 

Faux !

Tout d'abord, la plupart des mères allaitantes n'auront pas besoin de lait industriel ; si une mère a un problème si grave que le don de lait industriel semble nécessaire, le problème pourra en fait souvent être résolu sans l'utilisation de lait industriel. Mais si un tel lait est réellement nécessaire, il peut être donné avec le lait maternel sans aucun problème.

 

7. Allaiter un bébé à la demande peut lui donner des coliques.

 

Faux !

Il est vrai que le bébé qui a des " coliques " est souvent au sein, et il est vrai qu'il prend souvent beaucoup de poids. Mais les coliques sont le plus souvent dues non au fait que le bébé tète souvent, mais au fait qu'il ne reçoit pas suffisamment de lait de fin de tétée, riche en graisses. Typiquement, le bébé tète bien au début, et puis s'endort vite au sein ou tète, mais ne boit pas. Après un certain temps, la mère le change de côté, et la même chose se reproduit. Ainsi le bébé qui ne reçoit que le lait relativement pauvre en graisses tétera souvent. Et s'il ne prend que du lait relativement pauvre en graisses, il peut aussi avoir des coliques, beaucoup de gaz, des selles aqueuses et expulsées avec violence, et il pleurera beaucoup. La mère peut rendre les tétées plus efficaces en s'assurant que le bébé tète suffisamment longtemps au premier sein pour qu'il boive davantage de lait riche en graisses. Elle peut aussi comprimer le sein avec la main quand le bébé n'avale plus (voir feuillets n° 3 sur les coliques, et n° 15 sur la compression du sein).

 

8. Une mère qui se fait vacciner (contre le tétanos, la rubéole, l'hépatite, etc.) doit arrêter l'allaitement pendant 24 heures (3 jours, 2 semaines…).

 

Faux !

Pourquoi donc? Il n'y a aucun risque, et cela pourra même présenter des avantages pour le bébé. Une seule exception : lorsque le bébé souffre d'une déficience immunitaire (rare), la mère ne doit pas recevoir de vaccin contenant un virus vivant (c'est-à-dire oral comme pour la polio, mais pas injectable comme pour la polio aussi, la rubéole, la rougeole, les oreillons, etc.), même si elle nourrit son bébé au lait industriel.

 

9. La confusion sein-tétine n'existe pas.

 

Faux !

Un bébé qui aura été nourri au biberon pendant une ou deux semaines après sa naissance, par exemple, refusera généralement le sein, même si sa mère a une sécrétion lactée abondante. Un bébé qui n'a eu que le sein pendant les 3 à 4 premiers mois refusera probablement de prendre un biberon. Certains bébés préfèrent un sein à l'autre. Les bébés nourris au biberon préfèrent souvent une sorte de tétine à une autre. Bref, il est courant que le bébé manifeste une préférence en la matière. La seule question est avec quelle rapidité il manifestera cette préférence. Dans certains cas, elle sera nette avec seulement un ou deux biberons. Un bébé qui a des difficultés à prendre le sein peut ne jamais avoir reçu de biberons, mais introduire une tétine en pareil cas améliorera rarement la situation et l'aggravera souvent. Signalons que beaucoup de mères s'entendent dire que la confusion sein-tétine n'existe pas, par les mêmes personnes qui affirment qu'il vaut mieux introduire rapidement les biberons afin que le bébé s'y habitue et les accepte bien.

Traduction du feuillet n° 14, " More and More Breastfeeding Myths ".

Revisé en janvier 2000, en octobre 2000 pour la version française.

D' Jack Newman - Pédiatre - Responsable d'une consultation de lactation - Toronto - Canada
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